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L'alcôve et l'abricot.

Mes agapes, mes casse-croutes, mes fantasmes.

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Fantasme proposé par Abel

Je gravis calmement les marches de l’escalier. Quatre étages, dont l'escalade ne m'a jamais paru aussi légère. Mélange de hâte, d’excitation, et de sérénité. Je ne compte pas les marches, comme j’ai machinalement l’habitude de le faire, mais je pense déjà à ce que je vais vivre, je l'espère, dans quelques instants.

Bien sûr, des millions de personnes font l’amour, on peut même dire que rien n’est plus banal que cela. A cette instant même, combien d’accouplement sur notre planète, combien d’orgasme, combien de cris de plaisir ? Des dizaines, des centaines de milliers sans doute.

Dans quelques instants, derrière le secret de mes rideaux à moitié tirés, je participerai moi aussi à l’orgie ininterrompue du monde.

 

            Rien de plus banal, c’est certain, mais rien de meilleur non plus que ce ravissement partagé. « Love profusion », dis Madonna, dans une de ses chansons. Je change le « profusion » en « perfusion »… : depuis quelques semaines, je bois un amour nouveau par les veines ; il passe par le cœur pour être propagé, propulsé, dans tout le corps ; mon pouls n’a jamais été aussi franc, je revis, mes organes sont en alerte perpétuelle, ils goûtent chaque seconde, se saoulent de cet alcool qu’ils reçoivent du sang qui afflue. Cet alcool, qui m’enivre comme aucun autre, je l’absorbe de toute ma chair et de tout mon cœur : c’est la femme que j’aime, et qui m’attend là-haut, tandis qu’une à une les marches disparaissent sous mes pas.

 

Depuis quelques semaines, j’ai réappris à faire l’amour, alors que je ne savais plus que baiser. Je guéris de trop de solitude sentimentale. Je découvre un autre que moi, vraiment ; c'est un partage sans limite, sans tabous. Je scrute les désirs de ma partenaire, je scrute ses réactions lorsque je lui avoue les miens. Nous nous disons nos fantasmes, ...et nous les réalisons.

Lorsque je lui ai dit celui que j’avais en tête depuis quelques temps, elle m’a écouté attentivement, les yeux concentrés, les lèvres sensuelles et déjà excitées. Rien d'inavouable à vrai dire...quand certains visent les exploits quantitatifs et d'autres les pratiques extrêmes, je préfère les jeux érotiques, mais parfaitement assumés, savamment cuisinés, où chaque ingrédient est exactement dosé.

Rien en trop, rien qui ne manque.

 

Je souhaitais, en rentrant chez moi, la trouver nue sur le lit, seulement vêtue de bas noir, dans cette position communément qualifiée de « levrette ». Une levrette quelque peu rénovée, puisque je voulais son buste plaqué sur le lit, et ses bras tendus vers le haut de son corps. Le dos cambré, évidemment.

 

J’arrive sur mon palier. Je m’arrête un instant. Aucun bruit dans l’immeuble, ni derrière ma porte. Nous avions convenu d’une heure, je ne suis qu’une minute en retard. Parfait. A-t-elle osé s’exécuter ? Elle n’avait pas franchement acquiescé lorsque je lui avais avoué mon envie. (Même si ses yeux le faisaient malgré elle.) J’avais eu droit à un « Tu verras bien… », piqué d’un sourire malicieux. Je m’étais trouvé tout gêné devant cette réaction, moi qui venait de lui avouer un fantasme - ce n’est jamais une parole évidente, même lorsqu’elle est dite à l’être avec qui l’on a déjà partagé toute l’intimité possible.

 

Je suis devant ma porte, je sonne. Nous avons convenu de ce signal, Morgane et moi. Je sais (j'espère) que la porte est ouverte, mais la sonnerie indique ma présence. Pas de bruit. Soi elle n’est pas là, et je le saurai en constatant que la porte ne s’ouvre pas, soi elle est déjà prête à m'acceuillir, sur le lit.

J’attends, peut-être une quinzaine de secondes, peut-être quelques minutes. L’image de mon fantasme n’a jamais été aussi vive derrière mes yeux. J’y ai pensé toute la journée, mais, devant cette porte, à quelques mètres de son corps, je ne suis plus que ce désir incarné.

La porte n’offre aucune résistance. Je sens mon cœur battre, d’appréhension et de plaisir à la fois. Je sais donc qu’elle est là, sur le lit, telle que je souhaitais la découvrir. Si ce n’était pas le cas, la porte n’aurait pas été ouverte. Elle ne peut qu’être en position - pourquoi sinon n’aurait-elle pas répondu à la sonnette ?

 

Je traverse mon entrée, qui donne directement sur la porte de ma chambre. Je n’ose regarder à travers l’embrasure, et préfère entrer dans la pièce sans plus attendre. Je dirige mon regard vers le lit, sur la gauche, entre ma commode et la cheminée, que devaient utiliser les occupants de cette pièce dans les premières années du XXème siècle, et qui ne sert aujourd'hui qu'à décorer, ou à signaler l'appartement bourgeois - peut-être la même scène a-t-elle été déjà vécue ici, avant ma naissance...

 

Elle est là. Même si je la connais déjà, la cambrure de son dos est plus belle que je ne me le suis imaginé pendant toute la journée. Son dos est nu, ses fesses sont relevées, ses jambes habillées de bas noirs qui montent jusqu’à mi-cuisses, et se terminent par un liserai de fine dentelle. Indécent, son sexe magnifique me fait face ; les lèvres rosé, ouvertes et humides, saillissent de la toison fine et soigneusement dessinée…cette chair merveilleuse est à moi.

 

- Bonsoir mon amour…

- Bonsoir ma chérie…

 

Je vibre de plaisir et de bonheur…il faut qu’elle m’aime vraiment pour se laisser ainsi admirer, sans bouger, pendant deux ou trois minutes qui me semblent un instant d'éternité.

  

J’imagine mes mains saisir fermement ses fesses, j’imagine mes doigts caresser son sexe mouillé de cyprine, et le pénétrer doucement... il n’est rien de meilleur que d’envisager, sans le réaliser, ce que l’on sait possible immédiatement. Je pourrais aussi lui demander instamment de se caresser devant moi. Je pourrais encore la prendre, tout de suite, sans un mot, par derrière, pénétrer sa fleur vénéneuse et savoureuse, aller et venir en la tenant fermement par les hanches, regarder nos sexes l'un dans l'autre, nos sexes s'embrassant... Mais j’opte (pour l'instant) pour une autre solution.

 

Toujours derrière elle, je m’approche et me baisse. Je peux sentir, là où je suis, les effluves délicieuses de son excitation…mon visage avance vers son intimité…offrande mutuelle sans pareille, ma langue s’insinue dans la fente humide et chaude que Morgane offre à ma vue…

 

Abel.

Ecrit par Miss-Chloe, le Dimanche 11 Janvier 2004, 15:04 dans la rubrique "Textes".

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